Le petit jour.

 

 

 

C’est le petit jour. J’ai toujours aimé cette expression : le petit jour. Cela évoque un moment spécial, quand on se réveille tôt, l’été, et qu’on n’a pas

 

 fermé ses volets. La nuit s’éloigne à regret, ne voulant pas céder la place à un nouveau jour trop pressé. C’est l’heure où tout est encore

 

possible. L’heure de l’assaut, de la conquête. Dans un instant, le soleil sera là, inondant de clarté tout ce qu’il touche.

 

Mais en attendant, tout est dans la douceur des demi-teintes, des demi silences. Le premier oiseau n’a pas percé l’ambiance feutrée de cet

 

instant magique. Aucun pas au dehors n’a troublé la quiétude. C’est un apaisement dans la chaleur de l’été. En hiver, c’est l’instant offert à la

 

neige fraîche de la nuit que nulle trace sombre n’a encore souillée. Le temps est suspendu.

 

Quand l’astre de feu dépasse l’horizon, plus rien ne l’arrête. Commence alors la vie trépidante de la fourmilière humaine.

 

Le matin s’écoule comme les grains fous du sablier.

 

Vite, il est déjà midi. Suit une courte pause.

 

Déjà l'après-midi s'enflamme.

 

Dans la moiteur de l’été ou dans les courtes journées d’hiver, c’est la course contre le temps.

 

Le jour est sans pitié. Sa lumière crue ne laisse aucun répit, aucun abri pour les peurs et les doutes. Un Dieu impitoyable soumet à rude

 

épreuve toutes ses créatures : vivre dans la lumière, sans protection ni repos jusqu’au soir. Le jour est le témoin des guerres, grandes ou

 

petites, auxquelles se livrent tous les êtres vivants. Quel tumulte ! Quel fracas !

 

Peu à peu la nuit tombe. Encore un mot que j’aime : la tombée de la nuit !

 

C’est fort, ça claque ! Moment mélancolique, entre chien et loup, où tout se voile et paraît plus doux, l’envers du petit jour aussi est

 

inquiétant. C’est l’heure des regrets, des bilans. Si l’on n’a pas profité de la pleine lumière, il est déjà trop tard.

 

Mais c’est aussi l’annonce de tous les rendez-vous. Rendez-vous avec la nuit profonde et ses belles promesses. Courtes nuits d’été étoilées

 

et lunaires, ou longues nuits d’hiver en rouge et blanc, tout est permis alors, tout redevient possible, en attendant celui qui arrête le

 

temps : le petit jour.

 

 

Brigitte 

 

décembre 2012

 

 

 

 

 

 

 

Arbre, arbres

 

 

Si l’arbre avait la parole il dirait en étendant ses branches et en me regardant de ses innombrables yeux lumineux, regarde comme je suis beau ! Et en voulant le peindre, comment lui rendre sa

 

beauté sans le trahir ? Comment déplacer le pinceau entre ses branches, caresser ses feuilles et voir jaillir la lumière qui les traverse ?

 

 Dans son ombre, saisir le contraste, se retrouver au milieu du tableau, avoir froid sur la mousse près des racines et grelotter soudain.

 

Sur certaines branches mortes, au sommet, la lumière pleut pourtant, se reflète dans le fleuve porteur d’oiseaux migrateurs.

 

Plus tard le charbon des tiges froides s’endort dans la blancheur du givre mêlé aux taches rouges des dernières feuilles, mémoire de leurs crinières rousses qui nous enchantaient.

 

Oubliés pour un temps les troncs gris, les branches tortueuses et sinistres dans le ciel d’hiver, loin des promesses d’une renaissance inévitable. Retrouvés l’ombre fraîche près de nos maisons, le

 

cadeau des fruits, des chants, du bruissement des feuilles, des senteurs entêtantes des nuits d’été, près du paradis.

 

Brigitte

 

Septembre 2011

 

 

Rêver.

 

 

Je m’installe pour écrire. Mon chat saute sur mes genoux. Et voilà ! Mon vêtement à peine brossé est à nouveau maculé de longs poils blancs, comme un cadeau sans cesse renouvelé que Minette

 

se croit sans doute obligée de me faire.

 

Quelles solutions s’offrent à moi ? L’envelopper dans un petit vêtement, tels ceux que l’on fait pour les petits chiens ? Oui mais... il faudrait plus que cela, une combinaison... une barboteuse !

 

Voilà un joli mot ! De ceux qui font rêver. Cela évoque tout de suite le verbe barboter. Donc l’eau. De la baignoire à l’océan, en passant par la mare au canard, la rivière sous la cascade, la piscine

 

ou encore la mer tiède des tropiques.

 

La barboteuse est aussi un habit de bébé, mais existe-t-il encore ? Il supposait envelopper l’enfant qui portait encore des couches, tout en lui permettant de gigoter à son aise. Bouger, remuer

 

les bras et les jambes en tous sens comme font les nouveaux nés pour préparer leurs muscles. Ces petits êtres impatients ne savent pas encore ce qui les attend ! Combien de kilomètres

 

parcourront-ils dans leur vie sur leurs gambettes, pour l’heure potelées et innocentes ?

 

Innocentes ! Oui, que ne restons-nous innocents toute notre vie ? Nous porterions toujours sur les choses un regard neuf et frais !

 

La fraîcheur ! Cela me fait penser au carré frais, vous voyez, ce fromage blanc à tartiner ? On peut le déguster nature ou bien avec du sel. Certains y ajouteront du poivre, sur une belle

 

tranche de pain croustillant. Ce n’est pas commode pour le goûter des enfants d’aujourd’hui ; on préfère le côté pratique des biscuits ou des barres chocolatées enveloppés dans des sachets 

 

individuels, ce qui contribue à polluer un peu plus la planète.

 

Avant la vague écologique, le mot planète suggérait les étoiles dans le ciel d’été et le mystère de mondes inconnus que quelques voyages spatiaux n’avaient pu dévoiler.

 

Aujourd’hui il est associé à «un geste pour», «sauver», Nicolas Hulot et Yann Arthus Bertrand, sans oublier les divers partis politiques s’intéressant de près (ou de loin) à la question.

 

Non, je ne vais pas développer le mot question, ce serait trop long !

 

En cet après-midi d’hiver, je savoure la réapparition de mon étoile préférée, le soleil, caché depuis plusieurs jours derrière

 

un épais brouillard. Une belle lumière pénètre dans la pièce, caresse au passage ma joue, égaie les choses, donne vie aux plantes.

 

Je ne vous ai rien dit ? Minette est partie dormir sur un autre fauteuil. Si, comme je me plais à le croire, elle lit dans mes pensées, elle a dû être effrayée à l’évocation de la barboteuse et a

 

préféré me laisser rêver en paix.

 

Brigitte 

 

février 2011

Commentaires: 5
  • #5

    brigitte (mardi, 11 mai 2021 19:39)

    merci Dorès, je suis heureuse que ça te touche. Merci, merci !

  • #4

    Marie Dores (mardi, 11 mai 2021 19:34)

    J aime beaucoup !! quelle poésie ! avec des mots simples qui me parlent tant ... amicalement

  • #3

    brigitte (mardi, 27 avril 2021 19:01)

    Merci Vincent et Marie-Pierre, ces petits textes sont des instantanés, pris sur le vif en quelque sorte, tant mieux s'ils prennent sens !

  • #2

    Vincent (mardi, 27 avril 2021 16:31)

    Douces pensées dans une prose légère et délicate. Ce que l'on a relégué au rang des banalités du quotidien fait sens dans ces petits textes qui nous ramènent à l'essentiel.

  • #1

    Cancalon Marie Pierre (samedi, 17 avril 2021 13:07)

    Tes thèmes d'écriture sont originaux.
    Agréables à découvrir et à relire toutes ces pensées qui à chaque fois, nous faire réfléchir....et nous apporte des sens nouveaux.